Le monde que je décris dans ‘Genèse de l’enfer’ peut paraître très sombre, voire pessimiste. Pourtant, il n’est rien de plus que l’extrapolation de l’évolution du monde occidental depuis le début du vingtième siècle, jusqu’à nos jours. Ce qui s’y passe en 2028 à Paris et dans les principales villes d’Europe est déjà une réalité aujourd’hui dans de nombreuses régions d’un monde qui s’occidentalise chaque jour un peu plus. Les gangs qui font la loi dans des quartiers entiers de grandes métropoles sont déjà une réalité sur tous les continents.
La privatisation systématique de toute activité, sous la pression des adeptes du libéralisme « décomplexé », conduira immanquablement à la privatisation de la sécurité des personnes, de l’éducation et de la santé. Et par voie de conséquence, cela ne pourra que renforcer la tendance actuelle au repli communautaire et à l’individualisme extrême.
La recherche du profit maximum, sous la pression des lobbies de la finance, mènera quant à elle à une destruction progressive de la plupart des emplois salariés et à une précarisation croissante de la majorité de la population.
Enfin, le refus de payer des impôts, qui va de pair avec l’obsession de la loi du marché, achèvera de creuser le fossé entre, d’un côté, les membres de l’oligarchie financière et de l’élite de la société et, de l’autre, les simples citoyens. Le résultat de cette combinaison de phénomènes sera selon moi une incapacité chronique et croissante à faire vivre ensemble cette élite toujours plus riche et une population ordinaire sans cesse plus pauvre et plus nombreuse.
Notre société connaît par intermittence des épisodes de manifestations parfois violentes de la colère de certaines catégories de la population. Mais entre deux crises, rien n’est vraiment fait pour combattre les causes. On parle beaucoup plus facilement de nouvelles mesures sécuritaires pour lutter contre les phénomènes de gangs, l’immigration illégale, les violences faites aux personnes ou les trafics divers. Mais toutes ces mesures répressives, autant que la lutte contre le terrorisme, ne font que freiner le développement de ces manifestations de rejet du modèle dominant. Elles n’empêchent nullement le développement inexorable du « terrorisme », de plus en plus souvent guidé par la cupidité, plus que par une quelconque idéologie. Plutôt que de combattre le libéralisme, certains se disent qu’ils peuvent tout aussi bien en profiter, quitte à utiliser des méthodes qui ne respectent ni les lois ni les êtres humains. C'est dire à quel point l'empreinte du modèle dominant est forte dans tous les esprits.
Yves CORVER