Les plus radicaux opposants au libéralisme intégral et global répondront que la seule solution serait une gigantesque révolution en chaîne, à l’image de ce qui s’est passé dans les pays arabes en 2011. Malheureusement, l’Histoire du monde est remplie d’exemples de révolutions qui ont conduit à l’avènement de véritables dictatures intolérantes et violentes.
Pour ceux qui voudront s’en donner la peine, je vous suggère la lecture d’un essai d’Albert Camus, intitulé « L’homme révolté », ou encore la lecture de la trilogie d’Hannah Arendt « Les origines du totalitarisme », et en particulier « L’impérialisme » et « Le système totalitaire ». La lucidité de leurs analyses devrait suffire à mettre nos dirigeants et les élites de notre société en garde contre les excès auxquels leur obstination égoïste aboutira immanquablement. Malheureusement, l’esprit de conquête de ces élites leur font préférer les biographies ou les mémoires de Jules César, d’Alexandre Le Grand ou de Napoléon 1er, ou même « L’Art de la guerre » de Sun Tsu ou « Le prince » de Machiavel.
Il est donc peu probable que la raison du plus fort cède le pas à la raison de la sagesse.
Alors, comment nous, simples citoyens, pouvons nous agir pour modifier le cours des événements ?
La première chose à faire est que chacun de nous se pose la question suivante : en quoi suis-je responsable ou au moins complice de ce qui se passe autour de moi ?
Si chacun de nous accepte sa part de responsabilité, alors il ne nous reste plus qu’à modifier nos comportements, jour après jour, pour changer progressivement le cours des choses. Parce qu'il est plus facile et efficace de commencer à modifier son propre comportement que de vouloir d'abord changer celui des autres.
Vous ne voyez pas de quelles complicités je veux parler ?
Prenez l’exemple de la spéculation financière, dont on dénonce à juste titre les dégâts qu’elle a pu causer. Vous fustigez les traders qui gagnent des fortunes en primes diverses pendant que des petits épargnants sont ruinés. Combien d’entre vous ont aussi cédé à l’attrait du gain en boursicotant et donc en spéculant ? En jouant à ce jeu dangereux, vous n’avez fait qu’alimenter la machine dont seuls quelques initiés sont certains de gagner à tous les coups, que la bourse s’envole ou qu’elle s’effondre. Ce faisant,vous êtes devenus complices de cette spéculation.
Et que dire des fonds de pensions ? Le système de retraites par répartition, si cher aux Français, connaissant des difficultés dues au vieillissement de la population, nos dirigeants nous ont poussés à nous tourner vers d’autres formes d’épargne retraite. C’est ainsi que se sont développés les fonds de pension si chers aux Américains. Mais ces organismes ont aussi apporté leur cupidité sans limite. Pour faire fructifier les placements de leurs actionnaires, elles ont investis dans tous les secteurs de l’économie en exigeant des entreprises dans lesquelles elles placent leur argent des rendements dépassant de très loin le niveau de l’inflation et de leur rentabilité moyenne. Ce faisant, ces fonds de pension ont forcé ces entreprises à réduire de manière drastique leur coûts de fonctionnement, en détruisant de nombreux emplois et en comprimant les salaires, avant de délocaliser les sites de production. Là encore, ce sont tous les petits actionnaires de ces fonds de pension qui sont devenus les complices involontaires de nombreuses destructions d’emplois. Ils jouiront peut-être d’une meilleure retraite, mais qu’en sera-t-il de l’avenir de leurs enfants et petits-enfants ?
À vrai dire, les exemples de notre complicité sont très nombreux. Lorsque, pour gagner quelques minutes, vous acceptez de passer par une caisse automatique pour régler vos achats dans un supermarché, vous témoignez aux hôtesses de caisse, placées de part et d’autre de cette machine, de votre plus grand mépris pour leur travail et pour leur maigre source de revenus. Vous devenez complices de ceux qui détruisent tous ces emplois pour améliorer les dividendes qu’ils pourront reverser à leurs actionnaires. Lorsque vous profitez des conseils dans un magasin pour choisir un nouvel équipement, pour ensuite aller surfer sur internet pour l’acheter moins cher sur un site de vente à distance, vous êtes à nouveau complices et donc responsables.
C'est ce qui me conduit à penser que la toute première chose à faire est de rejeter avec force ce système qui place le profit bien au-dessus de l'homme. Et la meilleure manière de le faire vaciller est pour le moins de ne plus le soutenir. Le tyran des temps modernes se drape dans les beaux habits de la "démocratie" et de la "bonne gouvernance". Il se fond dans l'anonymat de grands groupes financiers. Mais s'il n'a pas de visage, il existe bel et bien. Et son ampleur s'est accrue à mesure que le phénomène de la mondialisation, imposée par les lobbies de la finance mondiale, faisait le lit du libéralisme sauvage et brutal. Ce tyran s'étend sur l'humanité comme un cancer généralisé. Il se nomme "Oligarchie financière" et il se nourrit de la cupidité et de l'égoïsme de chacun d'entre nous.
Cessez de le nourrir et il s'effondrera. Cela prendra du temps, mais ce tyran, comme tous les autres, ne vit que parce que nous y consentons. Pour paraphraser Etienne de la Boétie, "ce tyran seul, il n'est pas besoin de le combattre, ni de l'abattre. Il est défait de lui-même, pourvu que l'on ne consente point à sa servitude. Il ne s'agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner."
Convaincus ? Alors, agissez ! Sinon, je vous donne rendez-vous dans 20 ans.
Yves CORVER